Le droit d’alerte du CSE en cas de danger grave et imminent

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Un homme avec un casque pointe du doigt un chantier de construction.

Le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent permet au CSE d’avertir l’employeur en cas de situation dangereuse notamment pour la vie et la santé des travailleurs. Dans ce guide complet, retrouvez tout ce qu’il faut savoir sur cet outil essentiel de la prévention des risques en entreprise.

Qu’est-ce que le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent ?

Le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent permet au CSE d’avertir l’employeur en cas de situation qui pourrait mettre en péril la santé et la sécurité des travailleurs ou la santé publique et l’environnement.

Il existe notamment trois situations dans lesquelles le droit d’alerte peut être utilisé :

Le danger doit être caractérisé d’une gravité particulière et doit présenter un risque immédiat.

Qu’est-ce que le droit de retrait ?

Le droit de retrait permet au travailleur de se retirer d’une situation et d’arrêter son travail lorsqu’il constate un danger pour sa vie ou sa santé (Article L4131-1 C.Trav.).

Ce retrait ne pourra pas lui être reproché s’il a un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent.

Par ailleurs, lorsqu’un travailleur a fait usage de son droit de retrait, l’employeur ne peut pas lui demander de reprendre son activité si le danger est toujours présent.

Quels sont les CSE qui peuvent exercer leur droit d’alerte en cas de danger grave et imminent ?

Un CSE dispose d’un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent lorsque l’effectif de l’entreprise est d’au moins 11 salariés (Article L2312-5 C.Trav.).

Ce droit d’alerte est un droit fondamental qui répond aux prérogatives du CSE en matière de santé, sécurité et conditions de travail et pour la préservation de l’environnement.

🔎 Focus : Chaque membre de la délégation du personnel au CSE peut utiliser son droit d’alerte en cas de danger grave et imminent (Article L2312-60 C.Trav.).

Infographie expliquant ce qu'est le droit d'alerte en cas de danger grave et imminent dans une entreprise.

Quelle est la procédure du droit d’alerte et du droit de retrait en cas de danger grave et imminent pour les travailleurs ?

La procédure du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent implique plusieurs acteurs de l’entreprise et permet notamment d’apporter des solutions adaptées au danger caractérisé.

Étape 1 : Exercer son droit de retrait

Un travailleur est en droit de se retirer immédiatement d’une situation qu’il juge dangereuse sans devoir préalablement demander l’autorisation à son l’employeur (Article L4131-1 C.Trav.).

En outre, l’employeur ne peut pas demander au travailleur de reprendre son travail tant que le danger persiste.

Par ailleurs, le travailleur ou le groupe de travailleurs qui s’est retiré d’une situation dangereuse ne peut subir aucune sanction ou aucune retenue de salaire pour l’exercice de ce droit (Article L4131-3 C.Trav.).

Cette disposition permet aux travailleurs d’exercer leur droit de retrait sans craindre de conséquences. Néanmoins, un usage abusif du droit de retrait expose les travailleurs à des retenues de salaire pour absence de service voir à des sanctions disciplinaires (Cass. soc. 11 juillet 1989, n°86-43.497). En effet, si aucun motif raisonnable n’a motivé les travailleurs à exercer leur droit de retrait, la protection prévue par le Code du travail n’est plus valable.

Exemple : Cas droit de retrait non valable

L’agression isolée d’un machiniste de la RATP sur une ligne de bus ne justifie pas un droit de retrait a posteriori de l’accident étant donné que l’agression n’avait pas de raison de se reproduire (CA Paris, 21e ch., 26 avr. 2001).

Par ailleurs, le fait de travailler dans un hôpital lors d’une épidémie ou dans une centrale nucléaire lors d’un problème technique présente des risques inhérents à ces activités. Dans ces simples conditions, aucun droit de retrait ne peut être valable dans le sens où ces établissements doivent être aptes à faire face aux risques (TA Versailles, 2 juin 1994, n° 872364 et CA Versailles, 26 févr. 1996).

Étape 2 : Avertir l’employeur

Une fois les travailleurs retirés de la situation présumée dangereuse, le travailleur ou un membre élu du CSE doit avertir immédiatement l’employeur (Article L4131-1 C.Trav.).

Comme évoqué plus haut, le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent doit être utilisé uniquement lorsqu’un motif raisonnable permet de penser qu’une situation présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé des travailleurs.

Ainsi, par exemple, toute défectuosité dans les systèmes de protection doit être considérée comme un danger grave et imminent.

Dès lors que l’employeur a connaissance d’un danger grave et imminent, il doit prendre des mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité, notamment en quittant immédiatement le lieu de travail (Article L4132-5 C.Trav.).

En fonction du danger rencontré, l’ampleur du risque doit être appréhendée afin d’adapter la prévention en élargissant éventuellement le droit de retrait à tous les travailleurs du site si nécessaire.

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Le travailleur donneur d’alerte peut se tourner vers un membre élu du CSE afin que ce dernier avertisse l’employeur du danger rencontré (Article L4131-2 C.Trav.).

En effet, en tant que représentants du personnel, les membres du CSE sont généralement mieux placés pour communiquer avec l’employeur ou son représentant.

En outre, les fonctions des membres du CSE concernent notamment la santé et la sécurité au travail (SST). Ils sont donc des interlocuteurs idéaux dans ce type de situation. Le CSE peut également disposer d’une commission santé, sécurité et condition de travail (CSSCT) pour traiter les questions de SST.

⚠️ Attention La faute inexcusable de l’employeur est reconnue de droit si un accident survient à cause d’un danger signalé auparavant par les travailleurs ou un membre du CSE (Article L4131-4 C.Trav.). Pour rappel, la faute inexcusable de l’employeur engage sa responsabilité civile et permet au salarié victime de bénéficier d’une compensation supplémentaire.

Tout l’enjeu pour les travailleurs ou les membres du CSE donneurs d’alerte est de savoir reconnaître une situation dangereuse.

Exemples : motifs raisonnables de penser qu’une situation peut être dangereuse :

  • absence de mesures de protection ;
  • un équipement de protection collective (EPC) ou un équipement de protection individuel (EPI) est endommagé (garde-corps tordu ou enfoncé, filet antichute déchiré, casque de protection fendu, encoffrement de machines non étanche, etc.) ;
  • l’environnement de travail présente un danger (condition météorologique défavorable, sol glissant, risque d’incendie ou d’explosion, risque d’agression, etc.) ;
  • un équipement de travail non conforme ou défectueux (engin ou machine défectueux, vérification périodique et vérification d’équipement non conforme, équipement non adapté, etc.) ;
  • travailleur inapte à exécuter son travail (état de santé, maladie, manque d’expérience, etc.) ;
  • contenant de produit chimique ou inflammable défectueux ;
  • etc.

Étape 3 : Inscrire l’alerte dans le registre des dangers grave et imminent

L’alerte donnée par un représentant du personnel doit obligatoirement être inscrite dans le registre des dangers graves et imminents (Article D4132-1 C.Trav.).

Notez-le : Ce registre doit être authentifié par le tampon du CSE et ses pages doivent être numérotées.

L’avis du membre du CSE doit être daté et signé et indiquer a minima :

  • les postes de travail concernés par la cause du danger constaté ;
  • la nature et la cause de ce danger ;
  • le nom des travailleurs exposés.

Par ailleurs, le registre des dangers graves et imminents est sous la responsabilité de l’employeur et doit être tenu à la disposition du CSE (Article D4132-2 C.Trav.).

Étape 4 : Enquête de l’employeur et mesures pour remédier au danger

Une fois que l’employeur est averti, ce dernier doit immédiatement procéder à une enquête sur le danger mis en cause. Cette enquête est réalisée avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger (Article L4132-2 C.Trav.).

Cette enquête permet notamment à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour remédier au danger (Article L4132-2 C.Trav.).

Étape 5 : Négociations avec le CSE et saisine de l’inspection du travail

Lorsqu’il existe une divergence entre l’employeur et le CSE sur la réalité du danger ou les solutions apportées, le CSE doit être réuni d’urgence sous un délai de 24h (Article L4132-3 C.Trav.).

Par ailleurs, l’employeur doit avertir l’inspection du travail ainsi que l’agent du service de prévention de la caisse régionale d’assurance maladie de cette divergence d’opinion et ces derniers peuvent assister à la réunion d’urgence du CSE.

🔎 Focus : la divergence peut également concerner les moyens et mesures mis en œuvre pour faire cesser le danger, la nécessité d’un arrêt du travail, de la machine ou de l’installation qui constitue le danger.

L’objectif de cette réunion d’urgence est de trouver un accord entre l’employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre pour faire cesser le danger et leurs conditions d’exécution. Si aucun accord n’est trouvé, l’employeur saisit à nouveau l’inspection du travail (Article L4132-4 C.Trav.).

A ce stade, l’inspection du travail est en mesure de mettre en œuvre une procédure de mise en demeure de l’employeur et notamment pour :   non-respect des principes généraux de prévention ;infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité.

Cette mise en demeure est effectuée par la DREETS, sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.

 ℹ Notez-le : Il existe des règles de mise en demeure spécifiques pour les opérations de bâtiment ou de génie civil (BTP). Pour plus d’informations, n’hésitez pas à consulter la partie dédiée du Code du travail : Article L4732-2 C.Trav..

Selon les cas, l’inspection du travail peut également saisir le juge judiciaire afin que celui-ci ordonne toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits, etc. (Article L4732-1 C.Trav.).

⚠️ Attention : lorsque l’agent de contrôle de l’inspection du travail constate un danger grave ou imminent pour la santé des travailleurs, il est autorisé à dresser immédiatement un procès-verbal, sans mise en demeure préalable (Article L4721-5 C.Trav.).

Infographie de la procédure de droit d'alerte en cas de danger grave et imminent.

Qu’est-ce que la prévention de la santé et de la sécurité en entreprise ?

Pour mieux comprendre le droit de retrait et le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent, voici une rapide présentation des obligations de l’employeur en matière de prévention de la santé et de la sécurité des travailleurs en entreprise.

Obligations de l’employeur en matière de santé-sécurité (SST)

La prévention de la santé physique et mentale des travailleurs est une obligation de l’employeur (Article L4121-1 C.Trav.).

Pour cela, il doit mettre en place une stratégie qui comprend :

  • des actions de prévention des risques professionnels de l’entreprise ;
  • des actions d’information et de formation à la sécurité sur les risques présent dans l’entreprise ;
  • la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit également veiller à ce que les mesures mises en place soient adaptées et notamment en prenant en compte les éventuels changements des circonstances.

En outre, cette stratégie doit respecter les principes généraux de prévention des risques professionnels et se divise ainsi en plusieurs étapes obligatoires (Article L4121-2 C.Trav.) :

  • évaluation des risques et identification des postes et situations à risques ;
  • éviter les risques et les combattre à la source ;
  • mise en place des mesures de prévention adaptées (équipements de travail, conception des postes et lieux de travail, organisation du travail, équipements de protection (EPC et EPI), etc.) ;
  • formation des travailleurs ;
  • suivi des mesures de prévention.

L’évaluation des risques professionnels est une étape-clé de la prévention puisqu’elle permet d’identifier et évaluer les situations à risque afin de définir les mesures de prévention adaptées.

🔎 Focus : L’évaluation des risques doit être consignée dans le document unique d’évaluation des risque professionnels (DUERP).

Cette évaluation des risques concerne notamment (Article L4121-3 C.Trav.) :

  • le choix des procédés de fabrication ;
  • le choix des équipements de travail ;
  • le choix des substances ou préparations chimiques ;
  • l’aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations ;
  • l’organisation du travail ;
  • la définition des postes de travail ;
  • etc.

Enfin, la formation des travailleurs est également une étape fondamentale de la prévention des risques en entreprise.

Ainsi, tous les travailleurs doivent avoir reçu une information sur les risques pour la santé et la sécurité en entreprise et les mesures prises pour y remédier (Article L4141-1 C.Trav.). A noter que cette information doit également mentionner les risques que peuvent faire peser les activités de l’entreprise sur la santé publique ou l’environnement.

Par ailleurs, l’employeur doit dispenser une formation à la sécurité (Article L4141-2 C.Trav.) :

  • aux travailleurs qu’il embauche ;
  • aux travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique ;
  • aux salariés temporaires ;
  • sur la demande du médecin du travail, aux travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d’une durée d’au moins vingt et un jours.

 ℹ Notez-le : Cette formation peut être renouvelée périodiquement en fonction des secteurs d’activité, des postes de travail ou des tâches à accomplir. La périodicité est fixée par une réglementation spécifique dédiée.

Pour conclure, toute faille ou manquement à ces obligations de sécurité peut représenter potentiellement un danger grave et imminent.

Exemples : droit d’alerte et de retrait valable

  • un travailleur exerce son droit d’alerte et son droit de retrait pour manque de protection contre les chutes de personnes (Cass. soc., 9 mai 2000, no 97-44.234) ;
  • un travailleur exerce son droit d’alerte et son droit de retrait en raison d’une température de 2°C dans l’atelier (CA Paris, 22e ch. sect. C, 7 juin 1988) ;
  • l’employeur n’a pas effectué la vérification d’une machine connue pour être défectueuse (dysfonctionnement du bouton de sécurité) (Cass. soc., 11 déc. 1985, no 83-45.566).

Infographie sur la prévention des risques en entreprises.

Quelle est la procédure du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent pour l’environnement ?

Certaines entreprises peuvent avoir un impact sur l’environnement et la santé publique. Il existe ainsi une réglementation prévue par le Code de l’environnement pour limiter et prévenir cet impact.

Néanmoins, lorsqu’un travailleur ou un membre élu du CSE constate, de bonne foi, que l’activité de l’entreprise fait peser un risque sur l’environnement et la santé publique, il doit en avertir immédiatement l’employeur (Article L4133-1 C.Trav. et Article L4133-2 C.Trav.).

 ℹ Notez-le : les travailleurs faisant usage du droit d’alerte pour l’environnement bénéficient d’une protection mentionnée à l’Article L.1121-2. C.Trav. et notamment contre le licenciement (Article L4133-3 C.Trav.).

Ce droit d’alerte peut intervenir uniquement lorsque les produits utilisés par l’entreprise ou les procédés de fabrication mis en œuvre sont à l’origine du danger.

L’employeur doit ensuite examiner la situation avec le membre élu du CSE qui lui a transmis l’alerte et l’informer de la suite qu’il réserve à celle-ci. Le cas échéant, l’employeur doit tenir informé le travailleur qui lui a transmis l’alerte.

⚠️ Attention : L’usage abusif du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent peut constituer une dénonciation calomnieuse et être puni de 5 ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende (Article 226-10 C.Pen.).

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Chaque alerte en cas de danger grave et imminent pour l’environnement doit être consignée par écrit sur un registre spécial dont les pages sont numérotées (Article D4133-1 C.Trav. et Article D4133-2 C.Trav.).

Le registre des dangers graves et imminents pour la santé publique et l’environnement doit mentionner a minima :

  • les produits ou procédés de fabrication mis en cause ;
  • le cas échéant, les conséquences potentielles pour la santé publique ou l’environnement.

Toute autre information utile à l’appréciation de l’alerte est également consignée.

Ce registre est sous la responsabilité de l’employeur et tenu à la disposition du CSE (Article D4133-3 C.Trav.).

🔎 Focus : L’employeur doit prévenir le CSE de toutes les alertes en cas de danger pour l’environnement qui lui sont transmises (Article L4133-4 C.Trav.).

À retenir :

  • Pour exercer le droit d’alerte, le danger doit être d’une gravité particulière et présenter un risque immédiat
  • Tous les travailleurs peuvent exercer un droit de retrait s’ils ont un motif raisonnable.
  • Un danger grave et imminent doit être immédiatement signalé à l’employeur.
  • L’inspection du travail peut mettre en demeure l’employeur en cas de danger grave et imminent.
  • Lorsque l’activité de l’entreprise fait peser un risque grave et imminent sur l’environnement, il doit être immédiatement signalé à l’employeur.